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Textes par intervenant > Viana Diego

Monnaie et technicité: une hypothèse à partir de Simmel, Tarde et Mauss
Diego Viana  1@  
1 : Universidade de São Paulo  (USP)  -  Site web
Cidade Universitaria - 05508-090 São Paulo -  Brésil

Que peut-on apprendre de la lecture croisée de Georg Simmel, Gabriel Tarde et Marcel Mauss? Ces trois auteurs hétérogènes (Mauss étant même le neveu et disciple du grand rival de Tarde, Émile Durkheim) possèdent en commun le fait d'avoir pensé l'économique de façon féconde et hétérodoxe. Tous les trois accordent aussi une importance particulière à l'idée de monnaie, à laquelle l'économie la plus orthodoxe n'accorde qu'une place auxiliaire.
À partir de la lecture croisée de Mauss, Tarde et Simmel, il est possible d'argumenter que les processus de sociation – terme qui traduit le concept de Vergesellschaftung, que Simmel employait pour désigner le surgissement et le développement des formes sociales – et de différenciation dans les sociétés se font à travers des processus ritualisés et avec l'entremise d'objets-images dont la fonction est de stabiliser les asymétries de puissance et les rapports de pouvoir.
Cette proposition fait partie d'une recherche en cours sur le statut de la monnaie au-delà du marchandage. La monnaie apparaît dans ce contexte comme un de ces objets-images qui opèrent et réalisent des rites de sociation. Cette interprétation de la monnaie est suggérée dans un texte court de Mauss intitulé "Origine de la Notion de Monnaie" (1912), ainsi que dans des passages de l'Essai Sur le Don (1920). De même, les descriptions que Mauss fait du kula et du gimwali au Papua marquent clairement la différence entre le grand rituel et le petit commerce qu'il rend possible.
Aussi dans la Psychologie Économique (1902) de Tarde, l'on trouve l'affirmation selon laquelle la monnaie est "la notion économique par excellence", et que l'économiste est "avant tout un financier", car c'est l'homogénéité engendrée par la monnaie qui permet l'insertion dans le monde économique d'une foule de désirs et de croyances essentiellement divers. En outre, lorsque Simmel dans sa Philosophie de l'Argent (1905) identifie chez la monnaie la production de l'image des valeurs la vie, il y identifie aussi une puissance de sociation.
Cette lecture des trois auteurs permet de soulever plusieurs problèmes à portée contemporaine. Premièrement, l'on pourrait se demander si, au lieu d'être un produit des échanges marchandes, la monnaie ne les précèderait pas, et même permettrait leur conformation comme échange entre individus. Ensuite, la question qui survient est celle du rapport qui pourrait être établi entre cet objet-image qui apparaît chez Mauss, Tarde et Simmel, et la monnaie dans son état pleinement développé, c'est-à-dire abstrait (la monnaie nationale). Finalement, il est possible de se demander si les opérations de la finance contemporaine ne seraient elles-mêmes des rites de sociation servant à stabiliser les différentiels de puissance et les rapports de pouvoir.
Cette proposition concerne la présentation des arguments qui soutiennent cette conception de la monnaie comme antérieure au marchandage et opératrice de sociation (Vergesellschaftung).


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