- Pour une sémiotique politique de la monnaie
La monnaie est une médiation symbolique des échanges. Elle repose sur la logique de l'identification symbolique spéculaire à l'autre, qui, dans le champ des échanges monétaires, consiste dans la logique de la confiance, et sur la conflictualité des échanges avec les autres mondes d'appartenances, en particulier avec les autres monnaies, qui consiste, en particulier, dans les logiques conflictuelles du change. La monnaie exprime, enfin, le pouvoir qui en impose l'usage et la valeur.
2. La monnaie comme institution
La monnaie constitue une expression symbolique de ce que l'on peut appeler une identité économique. C'est pourquoi elle s'inscrit, comme toute institution, dans le temps long des systèmes symboliques qui, à la fois, structurent les échanges et expriment les pouvoirs et les appartenances. Par ailleurs, elle institue une médiation entre les logiques singulières du désir et de la consommation et les logiques collectives de l'appartenance et de la sociabilité.
3. Monnaie et langue
Cette logique de code donne à la monnaie un statut comparable à celui d'une langue. On peut élaborer quatre méthodes d'analyse. Il s'agit, d'abord, de l'expression d'appartenances et de souverainetés qui instituent un espace politique. Par ailleurs, il s'agit de penser le change comme une forme de traduction. D'autre part, comme les langues, la monnaie institue des normes et des contraintes d'usage. Enfin, comme toutes les langues, les monnaies connaissent des biens ou des valeurs auxquels elles ne peuvent s'appliquer : il existe des formes de non-dits dans le systèmes monétaires.
4. Internationalisation et neutralisation des appartenances et des langues
La circulation des monnaies et les échanges s'inscrivent dans des espaces internationaux, d'abord dans des logiques de change qui matérialisent ces échanges. Dans la suite, l'or constituera longtemps un système international de référence des valeurs et des échanges. Par ailleurs, il existera des formes imaginaires ou utopiques de monnaies transnationales, comparables à ce qu'a pu représenter le latin : c'est ainsi que l'ECU aura constitué un système transnational d'échanges européens précédant l'euro, qui représente aujourd'hui une forme internationale de monnaie. Enfin, des organisations internationales comme le F.M.I. auront constitué des institutions internationales de régulation des échanges. Le bitcoin constitue également, aujourd'hui, une forme transnationale de système d'expression des échanges.
- 5. Crises et ruptures des institutionnalismes monétaires
Les crises monétaires constituent, dans l'histoire, des moments de rupture de la confiance et de la reconnaissance des monnaies et de leur valeur. Il s'agit à la fois de moments de rupture des systèmes monétaires et des temps de rupture et de conflictualité des systèmes politiques : c'est ainsi que la crise de 1929 peut se penser dans une forme de cycle articulant les guerres de 1914-1918 et de 1939-1945 et les transformations des identités nationales. Enfin, de la même manière que des langues peuvent ne plus être parlées ou disparaître, des monnaies peuvent disparaître ou faire l'objet de dévaluations ou de transformations des systèmes de valeur dans lesquels elles s'inscrivent. Penser ces temps de crise permet de penser les logiques symboliques et la sémiotique des monnaies.