Cet article se concentre sur la construction de la monnaie unique pour en donner une signification politique. Une monnaie a besoin d'être organisée en tant que système monétaire pour fonctionner. Or, tout système monétaire est construit et maintenu à partir d'un compromis politique entre les différents acteurs prenants part à cette construction. L'objectif est donc de le mettre en évidence afin de définir l'euro et dépasser le débat entre ordolibéralisme et néolibéralisme. Notre apport est de fournir un cadre interprétatif plus large en intégrant d'autres paramètres, mais aussi de fournir une grille de lecture pour l'évolution de l'Union économique et monétaire. Pour ce faire, nous nous concentrons uniquement sur les cas français et allemand, car ils ont été les deux principaux Etats guidant le processus de négociation.
Afin de sélectionner les acteurs centraux au sein de ces deux pays pour la construction de l'euro et délimiter le cadre de cet article, nous nous servirons des théories de l'économie politique internationale. Ici, nous ne nous engagerons pas dans un débat sur le bien-fondé des différentes approches, mais nous utiliserons ces travaux pour choisir les facteurs politiques clés.
Dans un premier temps, nous étudierons le contexte économique international et surtout européen à travers le processus de mondialisation et les accords/traités de l'Acte unique et du système monétaire européen (SME). Ces différents éléments doivent inciter à la formation de l'Union économique et monétaire (UEM) en fournissant un cadre à la fois institutionnel et économique. Toutefois, malgré cette incitation, le choix de l'UEM reste politique dans la mesure où ce sont les acteurs nationaux qui décident. En outre, il faut analyser les institutions européennes déjà présentes, notamment la Commission, de par leurs rôles dans la définition du cadre des négociations politiques et de leurs influences dans la définition du Traité de Maastricht.
Dans un second temps, nous montrerons que cette incitation n'est pas directe et nécessite une idéologie commune entre les gouvernements des Etats voulant former une union monétaire. En effet, le calcul des coûts et des bénéfices au sein des différents acteurs étatiques est fonction d'une idéologie définissant ainsi les préférences centrales. Nous démontrerons que ce qui a rendu possible le Traité de Maastricht est un accord sur une forme de libéralisme compétitif entre les gouvernements français et allemands.
Enfin, dans un troisième temps, nous développerons une analyse des négociations politiques au cours des conférences intergouvernementales afin de mettre en évidence trois paramètres : l'importance de la politique étrangère ; la construction des préférences nationales de l'Allemagne et de la France ; l'origine du désaccord entre ces deux pays et la domination allemande sur le processus européen. Cela nous permettra de revenir sur les questions de l'union politique et des transferts fiscaux afin de les réinterpréter pour ensuite définir l'UEM comme un mélange entre régime international et fédération.
Ainsi, nous pourrons donner une signification politique à l'UEM en tant que régime politique mixte, basé sur une idéologie libérale organisant une compétition entre Etat, façonné selon un mode technocratique et possible par un objectif de politique étrangère.